Publié par : Goéland | 18 mars 2013

Pauvreté et bling-bling

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Je me réjouis profondément de la pauvreté que veut vivre notre Pape François. De sa cordialité et de ses éclats de rire avec ses frères cardinaux. De ses embrassades avec les paroissiens du Vatican. De ses trajets en minibus. De sa croix pectorale épiscopale, conservée malgré sa nouvelle fonction. De ses chaussures marron. Et je m’attends à me réjouir prochainement, d’un peu moins de camauro, de saturno, de mozette brodée d’hermine, de dalmaticelle, de fanon papal…

Parce qu’en terme de liturgie, vous l’avez déjà remarqué, François diffère quelque peu de Benoît XVI. Benoît XVI avait un goût pour les ornements dorés, anciens, ouvragés, parce qu’il considère que la liturgie doit montrer la splendeur de Dieu. Je n’ai pas les mêmes goûts que Benoît XVI. Mais loin de moi l’idée de vouloir les jeter, ce qui a trop souvent été fait après Vatican II ! Ne serait-ce que parce qu’il y a cinquante ans, un siècle ou plus, des artisans ont mis tout leur art, toute leur prière et tout leur amour pour réaliser ces chefs-d’oeuvre. Mais surtout, j’admire la richesse symbolique de chacun de ces objets, de ces vêtements. Et je comprends surtout ce que peut ressentir le célébrant, lorsqu’il porte des vêtements qui symbolisent qu’il se met au service de ses frères (pour la dalmatique), qu’il est garant de l’unité de l’Eglise (pour le fanon)…

Mais le dépouillement et la simplicité peuvent également être un beau symbole liturgique. François préfère, semble-t-il, cette simplicité : je vois, dans cette belle sobriété, le Christ « qui était dans la condition de Dieu, [qui] n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur.  » (Lettre aux Philippiens 2, 6). Mais cette préférence pour une liturgie sobre ne m’empêche pas d’admirer la splendeur des liturgies de Benoît XVI . J’aurais même tendance à me réjouir de cette différence entre les deux Papes.

La simplicité de François et les splendides liturgies de son prédécesseur ne sont pas opposés, mais complémentaires. On peut naturellement préférer un style à l’autre. De même qu’on peut préférer le roman au gothique, le baroque au classique, Fra Angelico au Caravage, Michel-Ange à Raphaël, Cîteaux à Cluny. Mais la force de l’Eglise, c’est qu’elle unit tout cela : chacun de ces artistes, de ces styles, de ces œuvres, de ces ordres, montre un visage particulier du Seigneur. Bien fou celui qui prétendrait dévoiler à lui seul l’étendue de la Beauté de Dieu !

***

Après, en dehors de la liturgie, faudrait quand même voir à pas pousser Mémé Papa dans les orties. Benoît XVI aime les dorures pour la plus grande gloire de Dieu ? Il ne vivait pas pour autant dans l’opulence. Ses appartements ? Deux bureaux, une chambre, un vestibule et une chapelle. Le personnel à son service ? Deux secrétaires, un majordome (ces trois personnes partageaient un seul bureau !), et quatre laïcs (notamment pour lui faire à manger). C’est tout. Pour info, à l’Elysée, il y a plus de 1000 personnes qui bossent, ce qui représente 70 millions de budget.

Au-delà du Saint-Père, regardons le Budget du Saint-Siège : 263 millions d’euros de dépenses annuelles. Moins que la ville de Tours par exemple. Ça fait un peu relativiser la richesse de l’Eglise…

Il m’est donc particulièrement insupportable de voir les journalistes – et les blogueurs – opposer un Benoît XVI qui serait « bling-bling » à un François qui enverrait valser les ors du Vatican. Je suis ravi si François plaît à tant de monde (je me doute quand même qu’une fois qu’ils auront écouté ses homélies et lu ses encycliques, leur avis changera). Mais ne vous servez pas de François pour faire croire que Benoît XVI était un orgueilleux qui vivait dans le luxe. L’homme qui a renoncé à un poste qui faisait de lui le 5ème homme le plus puissant au monde pour aller s’enfermer dans un monastère n’a pas de leçons d’humilité à recevoir…


Réponses

  1. […] heureusement surpris par cet état de grâce. Peut-être ne durera-t-il pas, je m’en moque : comme d’autres, je savoure l’instant présent. Les motifs de fâcherie sont trop fréquents pour […]

  2. Intéressant papier. J’ajouterais que ces deux styles si différents et si complémentaires arrivent chacun au bon moment. Avec Benoît XVI nous avions besoin de nous rappeler la puissance symbolique de la liturgie. Benoît a voulu nous délivrer une pédagogie symbolique et nous inciter à retouver le sens de la liturgie. Nous en avions grandement besoin.
    Actuellement, je pense que notre époque a un besoin de renouer avec certaines notions de détachement, pauvreté, et aussi de contact avec le réel. Les styles sont donc très pertinents au regard des problématiques du moment.
    Styles différents, mais totale continuité. François n’est pas le premier à parler de charité, loin s’en faut… on aurait presque tendance à oublier que sur les trois encycliques de Benoît XVI, deux portent sur la charité !

    • Oui, charité et humilité ne sont heureusement pas nouvelles dans l’Eglise ! Mais François les vit à sa manière, forcément unique, et nous avions besoin de son exemple aujourd’hui ! (Du moins, c’est ce qu’ont estimé les Cardinaux, et donc, je crois, le Saint-Esprit…)


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